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Nymphomaniac, Volumes I and II - de Lars von Trier - 2014

Publié le par Z

Nymphomaniac, Volumes I and II - de Lars von Trier - 2014

Joe est ramassée dans la rue par Seligman. Elle, la nymphomane, raconte à lui, le chaste, son histoire rythmée par les va-et-vient entre ses reins. Depuis son enfance et la découverte de sa chatte à 2 ans, jusqu'au jour où elle finit gisant à terre, la face contusionnée.

En sus de la nymphomanie, des sujets aussi graves et importants que le meurtre de masse, l'avortement, la pédophilie, Bach, la pêche à la mouche ou le décollage de l'hélicoptère sont évoqués.

La version commentée ici est le director's cut : 5h05 de film avec des scènes de pénétration non simulée.

Comme c'est surtout pour cela que le film est connue, commençons donc par ces fameux inserts pornos. Oui, le film est clairement réservé à un public majeur et averti. Mais cela ne l'empêche pas d'utiliser le sexe à bon escient, puisqu'il s'agit surtout de raconter une histoire rythmée par des scènes de cul. Ici, jamais de scène masturbatoire, juste la réalité crue d'une pénétration, d'un cunnilingus ou d'une fellation. La représentation du sexe est au service de son sujet.

Et quand je dis que le sexe rythme le film, c'est autant une image qu'une réalité, encore une fois, crue. Car le découpage en 5 chapitres + 3 chapitres du film correspond au déflorage vaginal (3 va-et-vient) puis anal (5 va-et-vient) de la jeune Joe, et son entrée bien piteuse dans la vie sexuelle active.

Parlons d'une des forces majeures du film : la narration. Et là, Lars von Trier ne nous avait pas habitué à autant de maitrise. Car il ne s'agit pas seulement d'une suite d'évènements classique. Le film s'articule autour d'un dialogue entre Joe et Seligman, ponctué de flashbacks sur la vie de Joe. Entre 2 flashbacks, Seligman propose une digression, et Joe s'y raccroche pour continuer son histoire. Ce procédé, assez complexe, donne lieu à quelques dialogues délicieux.

Car il s'agit du film de Lars von Trier le plus cérébral. Ainsi, celui-ci est très écrit, et Seligman propose toujours un point de vue très docte sur tous les sujets. Exit les grands sentiments que l'on trouvait dans Dancer in the Dark, Breaking the Wave ou Melancholia ; ici, seuls le sexe et le cerveau sont mobilisés. Et c'est un régal, car les joutes verbales entre Joe et Seligman nous laissent rarement avec une vérité en main. Elles nous laissent plutôt des clés pour nous faire notre propre avis.

Car nombreux sont les thèmes abordés. En sus de la nymphomanie, des sujets aussi graves et importants que le meurtre de masse, l'avortement, la pédophilie, Bach, la pêche à la mouche ou le décollage de l'hélicoptère sont évoqués. Et l'on ne sait jamais où ces discussions nous mènent. On peut aisément sentir que Lars von Trier a mis beaucoup de lui-même dans ces dialogues, et nombre d'entre eux recèlent une intelligence bienfaisante.

Lars von Trier parle aussi des hôpitaux, véritable thème de prédilection du réalisateur. Ces scènes sont tournées avec le rythme remarquable qu'il avait trouvé dans l'Hôpital et ses Fantômes. Il va d'ailleurs jusqu'à réutiliser une scène de la série dans son film (quelqu'un pour la trouver ?).

La profusion des thèmes et des situations explique largement la considérable durée du film. Je n'avais pas fait cela depuis le grandiose Shokuzai et ses 4h33. Et si j'avais visionné ce dernier d'un trait, c'est uniquement la perspective de m'occuper dans la nuit d'un petit bonhomme d'un mois à peine qui m'a poussé à le voir Nymphomaniac 2 fois. Il faut savoir raison garder. Mais je digresse...

Oui le film est long, mais non on ne s'ennuie pas. D'où la longueur inhabituelle de cette chronique. Il est cependant difficile de tout retenir, et une nouvelle vision s'imposera dans le futur. Car, en plus du contenu conséquent, le film n'est pas en reste sur la forme. Lars von Trier multiplie les propositions originales de mise en scène optant pour des ajouts sur l'écran, tels que du texte ou des schémas. Utilisé avec parcimonie, ce procédé se révèle passionnant. La mise en relation de la nymphomanie et d'une polyphonie pour orgue de Bach relève du miracle de mise en scène. Enfin, la scène d'accouchement, qui n'a rien de gratuite mais que n'aurait pas reniée Takashi Miike, restera gravée en quiconque a vu le film.

Un dernier mot enfin sur les acteurs. Notons d'abord qu'à force de persévérance (Melancholia, Antichrist, et maintenant Nymphomaniac), Lars von Trier a réussi à me faire apprécier Charlotte Gainsbourg dont j'ai aimé chaque facette de son jeu. La jeune Stacy Martin qui prête ses traits à la jeune Joe n'est pas en reste et offre une prestation parfaite. Et je ne parle pas de leurs plastiques ici. Stellan Skarsgärd est lui aussi nickel dans le rôle du docte Seligman. La seule fausse note vient de Shia LaBeouf, dont le jeu consiste à faire toujours la même gueule avec des yeux inexpressifs. Le personnage de Jérôme aurait largement gagné en substance et en intérêt s'il avait été campé par quelqu'un d'un peu plus consistant ou charismatique. Notons d'ailleurs qu'Uma Thurman ou le génial Willem Dafoe apportent bien plus au film pendant leurs (trop) courtes apparitions.

En conclusion, et pour ne pas rester sur ce détail négatif, Nymphomaniac est un grand film, très bien réalisé, interprété, et écrit. Très ambitieux, il aborde de plus de nombreux sujets, et presque toujours avec brio. Aucune raison donc de se priver.

IMDB

4/5 - Disponible en DVD chez Z

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